Normandie terre d’écriture
Faire vivre le patrimoine littéraire, soutenir la création, partager avec les publics
Terre de création, la Normandie est résolument une terre d’écriture !
Cette identité remarquable est à revendiquer et à faire vivre à la fois chez les normands et les normandes et au-delà des frontières de la région.
La Normandie, territoire de choix des écrivains remarquables, hier et aujourd’hui.
Nombre d’écrivains et d’écrivaines cultivent un lien fort avec la Normandie, en y ayant écrit leurs œuvres, et cela depuis plusieurs siècles.
La présence des grands écrivains du 19ème siècle est la plus connue, à travers l’héritage de Gustave Flaubert, Guy de Maupassant, Victor Hugo,… qui ont inscrit les paysages et les coutumes normandes dans leurs œuvres romanesques ou poétiques, et marquent aujourd’hui la toponymie des villes qu’ils ont pu arpenter.
La remise du prix Nobel de littérature à Annie Ernaux en 2022 a révélé à nouveau le potentiel littéraire de la Normandie, en inscrivant pleinement son œuvre dans ses villes d’origine, Lillebonne et Yvetot.
Au-delà de ces incontournables, d’autres auteurs à la renommée importantes ont traversé la Normandie.
Dès le 16ème et le 17ème siècles, poètes et dramaturges de renom émanent de la Normandie. François de Malherbe (né à Caen en 1555) imprima une influence considérable sur la poésie française. Pierre Corneille (né à Rouen en 1606) révolutionna le paysage dramatique de son époque avec Le Cid. En 1859, Charles Baudelaire résida à Honfleur, où il écrivit notamment Le voyage et l’Albatros. C’est également à Honfleur que vécut Lucie Delarue-Mardrus, ses poèmes et romans exprimant à la fois son désir d’évasion et son amour pour la Normandie. Jacques Prévert, un des plus grands poètes populaires finit sa vie à Omonville la Petite, en 1977. Verson accueillit également les dernières années de Léopold Sedar Senghor, homme politique et poète de la négritude.
Philosophes et penseurs ont également vécu en Normandie. Blaise Pascal (1623-1662) passa ainsi sa jeunesse à Rouen et y inventa la Pascaline, ancêtre de la calculatrice, pour aider son père à tenir ses comptes. Alexis de Tocqueville, issu d’une illustre famille de la noblesse normande, dans la Manche, s’attacha à décrire et à promouvoir le système démocratique américain et à comprendre la révolution française. Plus récemment, Simone de Beauvoir (1908-1986) enseigna la philosophie au lycée Jeanne d’Arc à Rouen, pendant que Jean-Paul Sartre l’enseignait au Havre.
La littérature est évidemment fortement représentée dans le paysage littéraire normand, et des représentants majeurs de courants littéraires ont un lien avec la Normandie.
Madeleine de Scudéry, née au Havre, fut l’une des instigatrices du mouvement précieux, exhortant les femmes à enrichir leur éducation plutôt qu’à se parer pour avancer dans la société. Bernardin de Saint-Pierre Le Havre
La Normandie, ses paysages, ses coutumes, son histoire tiennent une grande place dans les romans de Barbey d’Aurevilly, originaire de Saint-Sauveur le Vicomte, et connu notamment pour Les Diaboliques. L’un de ses héritiers, Octave Mirbeau, né à Trévières, partage avec lui, outre des racines normandes, l’anticonformisme et l’acharnement à pourfendre la société.
On peut également citer des spécialistes du roman populaire comme Maurice Leblanc, né à Rouen, et dont le héros Arsène Lupin quadrille la Seine-Maritime, Gustave Lerouge, implanté à Valognes ou Georges Simenon, qui résida à Deauville.
Les villes balnéaires de la côte fleurie accueillirent à partir de la fin du 19ème siècles écrivains et écrivaines célèbres, qui intégrèrent cet environnement à leurs œuvres : Marcel Proust à Cabourg, Colette, Joseph Kessel, Georges Simenon, Françoise Sagan à Deauville, Marguerite Duras à Trouville-sur-mer,…
L’enfance d’André Gide est marquée par ses séjours avec sa famille maternelle en Normandie : à Rouen, à La Roque-Baignard et à Cuverville. Le manoir de Cuverville est dans Si le grain ne meurt le symbole de l’enfance perdue : « Le jardin de Cuverville, où j’écris ceci, n’a pas beaucoup changé. Devant la maison, le grand cèdre est devenu énorme, dans les branches duquel nous nichions et passions des heures. » Il y recevait notamment le prix Nobel de littérature Roger Martin du Gard, installé au château du Tertre depuis 1924, et dont il fait un lieu d’accueil d’artistes et d’écrivains.
Les exercices de style de deux éminents membres de l’Oulipo trouvent leurs racines en Normandie : Raymond Queneau est ainsi né et a vécu 17 ans au Havre tandis que Georges Perec écrivit la Disparition au Moulin d’Andé dans l’Eure.
Jeanne-Marie Leprince de Beaumont (Rouen 1711) et la comtesse de Ségur (Aube), Hector Malot produisirent des oeuvres de littérature jeunesse encore largement présentes dans les bibliothèques familiales et publiques : “La Belle et la Bête”, “Les Malheurs de Sophie”, ou encore “Sans Famille”.
Cette influence et ce magnétisme de la Normandie s’exprime encore aujourd’hui largement, à la fois dans les choix de villégiature, de séjour ou d’installation, comme de références dans les œuvres des écrivains et écrivaines.
S’illustrent ainsi dans les différents registres précédemment cités, Mélanie Leblanc ou James Noël en poésie, Marie Nimier, Skolastique Mukasanga, Natacha Appanah, Jean-Louis Ezine, Benoît Duteurtre, Maylis de Kerangal, Jérôme Garcin, Julie Wolkenstein, Agnès Desarthe, Pascal Quignard, Patrick Grainville, Philippe Delerm, Arnaud Cathrine, Lilia Hassaine… en littérature, ou encore Michel Bussi pour le roman populaire,…
Cette diversité des expressions, et ce patrimoine précieux ne vivraient pas aujourd’hui sans un réseau de lieux qui ont contribué à faire naître cette terre d’écriture, et à la faire exister auprès des publics, cultivant ainsi le “génie des lieux” de la Normandie.
L’écosystème autour de Normandie terre d’écriture : des lieux et des opérateurs qui font vivre les patrimoines et les écritures contemporaines, qui méritent une plus grande visibilité.
La Normandie comme terre d’écriture prend son incarnation dans un réseau de lieux divers, qui contribuent à conserver et entretenir le patrimoine littéraire et écrit normand, à accueillir la création contemporaine, et enfin à partager ces ressources avec le public.
Lieux de référence : deux institutions d’exception, creusets de la pensée
Le Centre culturel international de Cerisy-la-Salle (CCIC), véritable institution en Normandie située au château de Cerisy-la-Salle, est un lieu riche de débats entre artistes, chercheurs, intellectuels, enseignants et étudiants… Une véritable tradition, qui s’est transmise de génération en génération, depuis 1952.
Le CCIC organise ainsi chaque année, depuis soixante-dix ans, divers colloques internationaux, culturels et scientifiques, qui abordent aussi bien les œuvres et la pensée d’autrefois que les mouvements intellectuels et les pratiques artistiques les plus actuels. Ce lieu chargé d’histoire a réuni les plus éminentes personnalités, toutes époques confondues : de la naissance de l’Oulipo en 1960, en passant par le Nouveau Roman, Francis Ponge, Hélène Cixous, Annie Ernaux (colloque en 2012 paru aux éditions Stock), Sylvie Germain (2007), Peter Handke ou encore Pascal Quignard (colloques en 2004 et 2014) …
Des collections
Fondé pour sauvegarder la mémoire du patrimoine des maisons d’édition, l’Imec rassemble plus de 80 fonds d’éditeurs (Flammarion, Minuit, Le Sagittaire, Le Seuil…) et constitue une source importante pour l’histoire littéraire. Il interroge plus largement les métiers de l’écosystème du livre en s’intéressant aussi aux typographes, à la librairie, à l’histoire et aux pratiques de la lecture. Les collections conservent par exemple les archives des typographes Pierre Faucheux ou Maximilien Vox, ou celles du Cercle de la librairie et du Club des libraires français. Elles sont aussi essentielles pour l’histoire des revues et la présence des fonds de grands écrivains comme Marguerite Duras, Jean Follain, Maurice Pons, ou encore Frantz Fanon ou Alain Robbe-Grillet n’est pas négligeable. Avec Althusser, Castoriadis, Derrida, Foucault, Guattari, Lacoue-Labarthe, Levinas ou Mounier, les philosophes sont aussi représentés. Le travail sur leurs archives ouvre des territoires en éclairant, par exemple, le phénomène des nouveaux philosophes, la pensée autogestionnaire, la réflexion sociologique sur les pays en voie de développement.
Un lieu de recherche, de création et d’ouverture au public
« Centre culturel de rencontre », l’abbatiale, transformée en bibliothèque de recherche, offre aux chercheurs le calme et la sérénité qu’avaient par le passé les bâtiments conventuels. La grande cour de ferme et la grange aux dîmes accueillent les manifestations publiques. Aux côtés d’une prestigieuse collection d’archives, l’abbaye retrouve ainsi, après des siècles d’oubli, un rôle intellectuel et culturel majeur.
L’Imec décline désormais une offre culturelle diversifiée à l’attention de tous les publics : visites du monument, lectures, débats, rencontres, expositions, actions éducatives, séminaires de recherche, colloques… L’institut invite à partager les formes les plus actuelles de la création et des savoirs. Cette riche programmation permet aussi aux auteurs d’être accueillis en résidence d’écriture et s’ouvre également aux jeunes créateurs de demain via de nombreux dispositifs dont bénéficient les étudiants du master Création littéraire du Havre ou encore ceux de l’École supérieure des arts et médias de Caen/Cherbourg.
Un réseau portant la mémoire de la villégiature et de l’inspiration de grands femmes et hommes de lettres
Le réseau des maisons d’écrivains et du patrimoine littéraire est important en Normandie. Il est fédéré autour d’une association affiliée à la Fédération Nationale des Maisons d’écrivains et du patrimoine littéraire.
Certaines villes / certains territoires développent par ailleurs des itinéraires touristiques, des endroits de mémoire autour d’écrivains ou écrivaines ayant résidé à cet endroit. Quelques exemples :
- Promenade littéraire au Havre
- Parcours littéraire à Deauville
- Parcours Annie Ernaux à Yvetot (en préparation)
La conservation de fonds emblématiques - Bibliothèques patrimoniales
Un patrimoine écrit remarquable est conservé en région. Il abrite autant manuscrits médiévaux que fonds contemporains, continue de s’enrichir, et vient éclairer la pensée. Il est conservé dans les bibliothèques publiques suivantes réparties sur le territoire (voir cartographie).
Ces fonds anciens intègrent des fonds littéraires consacrés à des auteurs ou autrices ayant eu un lien avec la Région.
Ainsi, les bibliothèques de Caen, de Rouen et du Havre sont également membres du réseau des maisons d’écrivains et du patrimoine littéraire, pour mettre en avant leurs collections autour de figures littéraires conservées.
Un réseau de lieux qui promeut la création littéraire et accompagne l’écriture d’aujourd’hui et de demain
Les lieux de résidence sont aujourd’hui d’une grande importance dans l’écosystème du livre et dans le processus de création. Ces espaces, quand ils suivent les recommandations du CNL, sont des endroits permettant de donner du temps, de l’espace et des moyens aux auteurs et autrices pour leur création. Ils ont un caractère relativement émergent dans la région.
La Normandie a vu la naissance du tout premier master de création littéraire en France, en 2012. Formation répandue dans les pays anglo-saxons, l’enseignement de la création littéraire ne semblait pas aller de soi en France jusque-là.
Depuis 2012, le master Création littéraire a accompagné l’émergence de nouvelles plumes. Ainsi, ont paru plusieurs premiers romans tels que “En salle” de Claire Baglin, “Toni tout court” de Shane Haddad, “L’effet Titanic” de Lily Nyssen,...
La Normandie contribue ainsi à l’émergence de nouveaux talents sur son territoire. Un des enjeux est l’implantation de ces auteurs et autrice en région.
Plusieurs dispositifs à vocation régionale accompagnent le développement de l’écriture auprès des publics et sont également un outil d’accompagnement à la création pour les auteurs et autrices du territoire régional ou au-delà.
Des manifestations et initiatives littéraires qui viennent valoriser et faire partager les écritures réalisées en Normandie
Bibliothèques publiques, manifestations littéraires, librairies et maisons d’édition proposent à leurs publics des moments de rencontres et de partage autour du patrimoine et de la création littéraires. Selon les calendriers de commémorations et de sorties éditoriales, ou selon leurs lignes éditoriales, un certain nombre d’acteurs du territoire choisit de se mettre au diapason des opportunités. C’est le cas de choix de publications en lien avec les grands événements du type Flaubert 2021, Millénaire Guillaume… ou la commémoration de certains auteurs par le festival Terres de Paroles (Colette par exemple).
L’ensemble de cet écosystème œuvrant autour des patrimoines et de la création littéraire est divers, ambitieux et modeste à la fois, a besoin d’être connu et reconnu de tous. Normandie terre d’écriture est une opportunité de le fédérer autour d’un objectif commun, celui de valoriser la création littéraire en Normandie, en rassemblant les acteurs, en mobilisant plus de moyens et en donnant davantage de visibilité à cette incommensurable richesse normande.